Voilà mon deuxième texte sur le thème des archives perdues d'Arpège. 😀
Toujours glauque… Mais dans un autre genre ! 😛
C'était l'idée que j'avais au tout début lorsque je voulais commencer à rédiger des histoires sur ce sujet. J'espère qu'elle vous plaira, elle est légèrement plus longue que la première mais de très peu.
Merci pour tout vos retours sur mon précédent récit, c'est très encourageant et enrichissant. Si vous avez des idées, des critiques, et tout autres remarques à faire allez y c'est comme ça que je pourrais enrichir mes textes et progresser 🙂
En attendant, voilà pour vous :
Bonjour à tous c’est Pluie de Courgine ! Et une fois n'est pas coutume, aujourd'hui sur ma chaîne, nous allons tester un jeu du REZO assez méconnu !
Comme d’habitude, ce rapport de test est écris en direct à travers mes capteurs neurorezo afin de vous laisser pleinement profiter de la transparence de mes impressions et du meilleur rendus possible. Il sera posté dès demain pour tous.
Aujourd’hui nous nous intéressons à un jeu pour lequel j’ai reçu une invitation directement à mon domicile. Après avoir essayé de me renseigné sur ce dernier, impossible de glaner la moindre information. Il doit donc s’agir de ses débuts ou d’une perle réellement bien dissimulé sur Arpège ! Il se nomme « l’Ancien Songe », un jeu qui promet donc de la difficulté… Pour ceux ou celles qui ne le sauraient pas, le Songe est une créature sans forme physique, qui dévore l’âme des héossiens dans leur sommeil… Je m’attends donc à une ambiance sombre ! Sur ce maintenant… place au jeu !
Je suis actuellement dans le menu de chargement. Pour l’instant c’est assez sommaire… Je suis assise sur un banc, dans une salle infini, blanche et très lumineuse. Un grand écran est suspendu dans les airs, et m’indique qu’il charge la chaîne Arpège demandée.
Premier reproche donc : l’attente est un peu longue, mais peu promettre un univers riche et complet. Cependant, il n’y a aucun moyen de se divertir… Il s’agit sûrement d’un petit groupe de cybérien développeur qui possède des moyens limités en crédos, mais rien n’empêche de mettre un bête simulation de Trihnelle ou de Trihno avec d’autres joueurs en attentes ou avec des entités virtuelles ! Ce n’est pas plus difficile que le reste… C’est un point négatif pour un jeu qui ne s’est pas encore fait un nom, car beaucoup de joueur qui essaie pour la première fois risque d’être découragé et donc de ne pas tenter l’expérience si l’attente est trop longue.
Enfin ! L’écran me demande de m’approcher pour accepter les rapports de confidentialités et accepter l’utilisation de mes données personnelles.
« Afin de valider votre accord, merci de placer votre main sur l’angle en bas à droite de l’écran. »
Deuxième point négatif : tout le monde aime des interactions avec l’univers. Rien de compliqué ni d’extravaguant donc à valider avec un système tactile. Mais je n’ai jamais vue autant de rapport de confidentialités à valider… Cela fait plus de dix pages que je valide, je ne les lis même plus. On à l’impression que le jeu essaie de donner le maximum de possibilité au joueur de partir avant le début de la partie !
« Vous allez accéder à l’Ancien Songe. Bonne partie. »
Voilà le message final de l’écran. Voyons voir ce que vaut ce jeu qui, tout de même, est venu à moi dans l’espoir que je le test. Il n’aura donc pas de traitement de faveur !
La salle blanche s’éteint et laisse rapidement place à une pièce très petite. Les murs sont en pierre large et épaisse, le sol également. Un tas de paille, qui sert vraisemblablement de couchage se situe dans l’angle à ma gauche, et une vieille porte en bois tenant à peine sur ses gonds me fait face. Vraisemblablement, le jeu se déroule dans un château ou une vieil bâtisse des terres perdues d’Héossie. Je n’ai jamais eu l’occasion d’en visiter, mais il s’agit d’une interprétation récurrente des jeux en réalité virtuelle. Une façon très appréciée des joueurs de se plonger dans un univers sauvage, ancien, et inconnue pour eux.
Le rendu graphique est très bon, et l’ambiance sonore calme d’une légère brise de vent traversant les quelques pierres mal assemblées permet une bonne immersion. Maintenant, passons la porte.
Je suis à présent dans une grande salle circulaire avec un plafond très haut. Il n’y a aucune décoration hormis des armes de combat rudimentaires attaché à deux endroits du mur : des couteaux à lames ciselés. Très étranges car il s’agit d’armes peu glorieuses, souvent destinées à l’assassinat, et qui par leur petite taille ne vont pas combler la place vide du mur. Quelques meurtrières laissent passer la lumière du jour afin d’éclairer la pièce. Je remarque un bureau sur lequel repose une plume, un pot d’encre encore ouvert et quelques pages faites en algue marine sur lesquelles des notes semblent avoir été gribouillées et très souvent rayées.
« Bienvenue Pluie de Courgine ! Nous sommes heureux que vous ayez acceptée notre invitation. Je suis votre morphe d’accueil pour votre premier essai à notre jeu et je vais vous guider. »
La voix suave et grave venait de mon extrémité gauche. Comment n’ais-je pas pu remarquer… ça ? L’hôte, comme il se présente, est un immense Kelwin de deux ou trois mètres, ce qui diffère de tout ce que j’ai pu voir. Il semble avoir été… allongé, comme tiré par la tête jusqu’à atteindre cette taille. Il affiche un immense sourire carnassier. Il a les épaules larges, et le teint très pâle sans pour autant sembler mal en point.
« La partie va bientôt commencer, et je vais vous expliquer les bases du jeu. Ce sera la première et dernière fois que nous nous croiserons, la politique de notre jeu est de laisser le joueur faire ses propres choix et de réussir seul »
Il s’avance lentement vers moi, et je préfère reculer tout en lui faisant face. C’est une introduction fort intrigante, mais surtout particulièrement étrange… Et ma curiosité est souvent ce qui l’emporte sur tout le reste.
« L’Ancien Songe est un jeu pluricybérien. Vous ne verrez aucune autre entité virtuelle hormis moi. Vos adversaires ou vos alliés seront d’autres joueurs tel que vous. Chaque jour, l’épreuve change et se déroule dans un nouveau lieu. Aujourd’hui, vous aller participer à une épreuve en duel. Ce sera à vous de déterminer comment gagner, et par quelles astuces vous en sortir. Le thème du jour est « Souffrir et Survivre ». Je vous rappelle qu’une défaite entraine votre mort dans le monde réel, et qu’aucune déconnexion n’est possible à présent. Essayez donc de gagner ! »
Un rire m’échappe en entendant ses derniers mots, ce qui provoque l’effet contraire chez lui. Son visage s’assombrit, comme s’il prenait conscience que je n’étais pas au courant de ce qu’il venait d’expliquer. Il reste planté devant moi, le visage rigide, et pour moi le silence devient trop pesant. Un doute s’installe, et je remarque qu’il dit vrai : malgré quelques tentatives, je ne peux pas lancer une déconnexion… Je sens mon esprit coupé de la réalité, comme si une barrière hermétique qui ne laisse rien filtrer entourait les lieux. Il faut que je me rassure…
« C’est une introduction qui fait son effet. Mais vous savez, comme moi, que ce n’est pas possible. »
Son sourire carnassier qui me terrorise réapparait au son de ma voix. Il tend le bras, et la paume de sa main squelettique se tourne vers le plafond. Un hologramme de l’écran de chargement apparait. Je peux y lire les lignes relatives à la sécurité et à la survie des joueurs précisant que ces derniers s’engagent à avoir pris connaissance que le jeu peut nuire à la santé, voir entrainer la mort de ces participants afin d’offrir le plus de réalisme possibles à ses joueurs. Mon cœur s'emballe et mon estomac se noue lorsque je remarque, en bas à gauche de l'hologramme, mes cinq empreintes digitales suivies de mon nom en gage de signature…
« Si vous le voulez bien, je vous invite désormais à vous rendre à l’épreuve. Prenez cet escalier derrière moi qui vous emmènera à l’étage de la tour. C’est là que vous rencontrerez votre adversaire. Bon jeu. »
Le Kelwin géant se mit à marcher lentement jusqu’au bureau, où il entreprit de finir d’écrire ce que quelqu’un avait déjà plusieurs fois rayés et gribouillés.
Il ne peut s’agir que d’un simulacre, d’une mise en scène destiné à terroriser les joueurs. On ne peut pas tuer par Arpège. C’est impossible. Il faut que je continue et je verrais que j’ai raison. J’ai forcément raison.
L’escalier est en colimaçon et n’en fini pas. Je sens tout mes doutes et mes incertitudes s’immiscer dans mes jambes.
J’arrive à nouveau dans une grande salle circulaire qui prend tout l’étage de la tour. Il y a des tables en bois le long des murs, sur lesquelles sont posés tout un attirail d’armes, d’instruments de tortures, et d’appareils technologiques étranges. La table juste à ma gauche dispose elle de seringue, de bandages, de pommade et d’aiguilles pour pouvoir se soigner. La salle ainsi que tout l’attirail qu’elle compose est parfaitement symétrique : tout les objets sont en double. En face de moi, il y a une porte en bois, et au-dessus un écran, affichant plusieurs zéro, qui contraste avec l’art et l’architecture typiquement mélodienne des lieux. Au centre de la pièce siège un immense vide avec plusieurs traces de sangs séchées sur le sol.
Un jeu de survie ou de combat donc… Je hais ces jeux. Que peut faire une jeune Feling dans ces conditions ? Il faudrait être une Infotek hors pair et réussir à coder le jeu en accédant au script en langage Note afin de changer la donne. Quelle mauvaise habitude de prendre un avatar aux traits sympathiques et séduisant afin de gagner en audimat… J’aurais mieux fait de me créer un Darken aussi immense que le fou de Kelwin qui m’a accueilli !
La porte s’ouvre pour laisser place à un Ygwan bien battit, à la peau épaisses et aux écailles pourpres parsemée de cicatrices. Ses yeux sont perçants, et je vois un peu d’écume sur le bord de ses lèvres qui n’augure rien de bon sur ses intentions. Il a plusieurs tâches noirs sur la peau qui semble le démanger. Ses mains ressemblent plus à des pattes de Wogaë que d’Ygwan. Elles sont gigantesques et les trois doigts qui y trônent sont allongés, osseux et tranchants.
Un avatar créé pour le combat en somme. Ou créé par un fou, difficile de savoir. Mais l’un n’empêche pas l’autre.
Il se rue sur moi. Aucune hésitation. Alors que moi… Je ne sais pas quoi faire. Saisir une arme ? Fuir ? Mais pour aller où ? Et comment combattre ?
Pas le temps. Un énorme coup de poing à l’abdomen me tort de douleur. Je sens qu’une côte s’ait brisée, et je m’effondre à genou. Je n’ai pas le temps de remonter la tête pour voir ce qu’y se prépare : un crochet du droit me projette au sol en me faisant cracher du sang. A ce rythme, je vais mourir en quelques secondes…
Alors que je m’apprête à me faire rouer de coups sans pouvoir me relever, il n’y a rien d’autre que le silence. L’Ygwan ne me regarde plus. Il a les yeux rivés derrière moi, un regard interrogateur.
Je ne l’ai pas remarqué plus tôt, mais il y a également un écran au dessus de l’entrée de l’escalier par laquelle je suis arrivé. Un score de cent deux points y est affiché. En plus petit, un compte à rebours d’un peu moins d’une heure découle. Le tableau des scores au-dessus de la porte par laquelle est entré l’Ygwan affiche toujours zéro point quant à lui.
« Souffrir et Survivre ». Les règles m’apparaissent clairement maintenant. Et l’hésitation vient de faire place à la détermination de survivre. En quelques pas, malgré la douleurs de ma côte cassée, je me saisie d’une lame trônant sur une table, retrousse ma manche, et m’entaille le bras.
Comme je l’avais prévu, mon score augmente et passe à cent vingt sept points. Mon adversaire comprends vite et court vers une table : le vainqueur sera le plus mutilé encore en vie à la fin du compte à rebours. J’ai de l’avance, je dois la conserver.
Je place mon doigt sur l’angle de la table, prête à me le briser. Le courage me manque, la douleur me terrifie…
En face mon adversaire vient de se planter un couteau dans l’abdomen à plusieurs reprises et son score augmente à une vitesse faramineuse. Il faut que j’agisse vite. Je me saisie d’une arme à feu et transperce mon genou d’une balle.
Par Antheos je souffre… Bien entendu je tombe au sol, la douleur envahi tout mon corps et je n’arrête pas de hurler sans lâcher le pistolet dans ma main gauche. Je ne pourrais pas continuer longtemps sans perdre l’esprit…
Et pourtant je n’ai pas rattrapé mon adversaire qui attend mon prochain coup avant de se mutiler davantage. Je n’ai pas le droit de mourir ici. Pas comme ça, pas sur Arpège, pas connecté à ce stupide REZO.
Je vois une guillotine. Aucune hésitation : j'arrache mes vêtements, laissant mon corps nue aux yeux de tous, et les enroulent sur mon biceps en le serrant le plus fort possible. Une fois le garrot fait, mon bras droit se glisse dans l'instrument de mort, et de mon autre main, le poignet serré sur la crosse de mon arme, je donne un coup au mécanisme pour que la lame s’abatte. Net. Un jet de sang sans fin accompagne mes hurlements. Je ne comprends plus. Je sens mon esprit se perdre, s’éloigner.
Un regard empli de larmes à mon compteur et je vois un score dépassant les six cents. Ma vue se brouille, et lorsque je regarde l’Ygwan… Son score est à plus de sept cent…
Il baigne dans une marre de sang, une jambe retournée, un bras broyé et des dents arrachées. Ses entrailles tombent sur le sol, et son rire rauque accompagne sa future victoire. Je ne peux plus me torturer, je ne peux plus supporter davantage de douleur. Je suis prêt à m’évanouir, à sombrer sous le rire nécrotique de mon adversaire… Souffrir…
… Et Survivre. Mon unique bras valide se lève. Un tir. Mon adversaire est mort. Il ne gagnera pas. Encore quarante minute à tenir, sinon la défaite me sera offerte également.
J’essaie de me relever avant de m’écrouler. J’ai déjà oublié que mon genou est fichu. Je rampe jusqu’à la table des soins, aggravant mes blessures et ma cote brisée. Il faut que je bande mes plaies. Il faut que j’arrête la douleur.
Il faut… Je… Vivre…
J’ai faim. La première chose qui me ramène à moi est une faim insatiable, inépuisable, presque folle.
« Bravo à vous Madame. Vous avez remporté l’épreuve ».
Mes yeux s’ouvrent lentement. Je me suis évanouie, et un goût de sang me parsème la bouche et recouvrent mes vêtements. Le morphe d’accueil me fait face, et le compte à rebours sur l’écran a atteint zéro. Au bout de la pièce, le cadavre blême de mon rival est toujours étalé par terre, quelques insectes lui tournent autour et j’aperçois un oiseau rentrer par une meurtrière pour commencer le repas.
Je lâche enfin mon arme. Ma peau est pâle. Je suis faible et la mort me guette toujours. Mon corps me démange et je sens mon cœur qui tambourine dans ma poitrine. Mon souffle est court. Je suis apeuré. Non… je suis terrorisé, et je peine à me calmer.
« Je vais vous ramener à votre chambre, là où vous vous êtes connectées. Dépêchons nous de vous faire sortir du jeu, pour que vous puissiez retrouver votre corps. »
Le Kelwin me porte de ses deux bras comme si je ne pesais rien. La douleur se ravive à ce moment précis, manquant de m’évanouir à nouveau. J’essaie de le prévenir, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Seulement de la bave écumée en abondance. Je ne peux pas m’empêcher de me gratter tellement les démangeaisons sont fortes. Je pue : un mélange d’odeur corporel, d’urine, et de sang nauséabond. Mon moignon droit me fait terriblement mal.
Le morphe me dépose sur le tas de paille de la première pièce par laquelle je suis arrivé. Je sens que la déconnexion est désormais possible. Il doit juste fermer la porte.
Je le fixe, et l’idée de mettre ce rapport en ligne me terrifie soudainement. Tout le monde m’accusera de menteuse, d’avoir truquée cette histoire, d’avoir simulée… On va me bannir du REZO, mon nom sera trainé dans la boue. Pire : si l’on me croit, on m’associera à ce jeu de fou, on me jugera responsable. La plèbe cherche toujours un coupable et je les entends déjà hurler mon nom dans les rues de Käm pour demander ma mise à mort votée par l’Assemblée Héossienne.
Je dois me taire. Je dois taire toute cette histoire.
« Le jeu de demain se jouera en équipe. Le thème sera « Manger ou être mangé ». Reposez-vous bien. Et j’espère que nous aurons la chance de nous revoir bientôt. »
Il ferme la porte. Manger ou être mangé ? Etrange… J’essaie de m’imaginer, mais je sens que c’est encore une épreuve à interpréter dans plusieurs sens. La curiosité me tiraille, mais les démangeaisons ainsi que les douleurs sont trop fortes pour que je puisse avoir un raisonnement logique. Je dois d’abord me rétablir. Et prendre le plus impressionnant de tout les repas de ma vie afin de combler le vide de mon estomac.
J’entame ma déconnexion du REZO.
« Manger ou être mangé »…
Je quitte Arpège.
Mais… Je reviendrais peut-être demain.
Déconnexion.
Enregistrement sur centre de donné privé. Dernière mise en ligne pour consultation public : [Jamais à ce jour].
Merci à Epinards pour son aide à la rédaction de mes deux récits 🙂 Nous allons d'ailleurs pencher à un scénario qui serait en lien avec celui d'aujourd'hui, dès qu'il sera finalisé nous le posterons sur le forum pour avoir vos avis et vos améliorations.
N'hésitez pas à postez vos textes, vos récits, vos dessins en rapport à Arpège ou d'autres domaines sur ce sujet du forum. Shaan est un super univers, merci à Igor, Julien et Vincent pour l'avoir fait partager, et à toute la communauté pour sa participation
Je posterais de nouveau texte prochainement, donc à bientôt 😉
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